Comme le dit Mermier : « Viret n'a jamais été l'homme de la peur et encore moins celui du silence ou de l'inaction. »
On a souvent comparé Viret à Calvin. Calvin a certainement une plus grande aura que Viret. Mais il est faux de vouloir les comparer. Certes, ils sont tous deux réformateurs en terre romande, mais chacun a son caractère propre qui les a conduit à exprimer les choses différemment.
Voici quelques « traits » de Viret :
• Prédicateur : On le dit doux mais persuasif. Viret est l’évangéliste par excellence et particulièrement aux deux bouts de son ministère. À Payerne, on l’imagine monter sur les tables pour prêcher dans les tavernes. Et puis quand il arrive à Lausanne, il commence par aller sur la place publique pour finir à la cathédrale. Et si l’on se projette à la fin de son ministère, on sait qu’à Nîmes il prêchera devant une assemblée de 8000 personnes… C’est comme un feu qui brûle en lui et qu’il ne peut réfréner. Ce n’est pas sans rappeler l’apôtre Paul.
• Pasteur : Il restera près de 25 ans à Lausanne et y vivra les mêmes joies et les mêmes déconvenues que tout pasteur. Dans ses écrits, on voit son désir d’être proche de tous, particulièrement des plus petits : pour ce faire, il image ses dialogues, raconte des anecdotes, fait rire son public tout en étant sérieux à la fois. Il est souvent un peu pince sans rire.
• Directeur de conscience : Ou plutôt surveillant des mœurs. Il a vraiment le désir que le peuple de Dieu soit parfait comme notre Père céleste est parfait. Il s’est battu durant tout son ministère pour mettre en place une discipline. Il est l’auteur, avec Calvin, de la première discipline Genevoise. À Lausanne, cela tournera au vinaigre. Il aurait souhaité que le Consistoire ait plus de pouvoir, mais les Bernois le lui refuseront jusqu’au bout. Finalement, c’est au Béarn qu’il pourra poser le cadre dont il a rêvé toute sa vie.
• Professeur : Il enseigne à l’Académie de Lausanne dès sa fondation. Il accompagnera des centaines, voir des milliers d’étudiants. Il en logeait même chez lui, ce qui arrondissait un peu les fins de mois.
• Ecrivain : Il écrira des œuvres pour soutenir les chrétiens en terre catholique. Il mettra sous forme de dialogues ses prédications sur les textes fondateurs, il se lancera dans des traités de polémique, etc. Nous arrivons ainsi à un peu plus de 30 ouvrages retravaillés année après année. Son œuvre connaîtra près de 160 éditions plus ou moins augmentées et revues. Parmi celles-ci on compte des traductions anglaises, néerlandaises, italienne et même allemande. Ceci nous donne des chiffres impressionnants : plus de 45000 pages publiées principalement à Genève et Lyon. Si l’on considère le nombre d’exemplaires connus, cela donne un demi-million de pages imprimées encore existantes, donc plusieurs millions de pages sorties de presse. Quand on connaît les moyens de l’époque, on ne peut que mesurer la grande popularité de cet auteur.
• Le stratège : Il adopte une première stratégie pour son propre ministère et s’engagera sur quatre fronts :
- Encourager les protestants vivre ouvertement leur foi.
- Abattre les fondements de la foi catholique.
- Ébranler le pouvoir du tyran.
- Consolider les communautés établies.
Mais il rêvera aussi d’une forme de stratégie politique, on le voit agir dans ce sens dès son arrivée en France. Il a vécu les 3 premières guerres de religion :
- Première guerre de religion (1562–1563).
- Deuxième guerre de religion (1567–1568).
- Troisième guerre de Religion (1568-1570).
Il rêvait d’une victoire protestante. Dans les villes qu’il traverse, une grande majorité de la population a adopté la Réformation, c’est le cas de Nîmes, de Montpellier, Lyon. Mais ailleurs aussi, par exemple, à Toulouse on compte plus de 20000 protestants.
Et puis il a connu l’époque étonnante où les deux religions sont appelées à coexister en France, entre 1563 et 1566. Viret est à Lyon durant ce temps-là. Il se dit que tant qu’on peu maintenir la paix, il y aura une chance que toute la France devienne protestante. Après tout, il a fallu une vingtaine d’années pour que son village adopte définitivement la Réformation.
Ses paroles modératrices doivent toujours être comprises dans ce sens.
Entre tous les differens qui sont aujourd'hui entre les chrestiens, en la matiere de la religion, il n'y en a point qui plus les entretienne en trouble et dissension, et qui plus retarde et empesche le cours de l'Evangile, et l'union et concorde qui devrait estre entr''eux, que celuy qui concerne la saincte Cene de nostre Seigneur, et la Messe de l''Eglise Romaine ...
Puis donc qu'ainsi est, tous ceux qui desirent l'avancement de l'honneur et de la gloire de Dieu, et leur propre salut, et le repos public, et qui aiment paix et concorde, doyvent travailler, non pas à nourrir et entretenir ce discord qui apporte avec soy tant de maux, mais à l'appointer par tous les moyens justes et raisonnables qu'on pourra trouver.
1565 Des principaux, début de l'Advertissement
Texte tiré de D-A. Troilo, Pierre Viret et l’anabaptisme éléments sous droits d’auteur.