De nombreux auteurs ``modernes`` signalent une édition de 1544 de l’Exposition familiere sur les dix Commandemens de la Loi, faite en forme de dialogue (Genève), in-8 ou in-12 (Par ex. J. Senebier, Op. cit. ; Haag et Haag-Bordier, La France protestante, Paris, 1846-1888, repris par Ch. Schnetzler et J. Barnaud, Notice bibliographique ; C. Schmidt, W. Farel und P. Viret, Elberfeld, 1860, repris par F.-V. Massias, Essai historique sur Pierre Viret, Cahors, 1900). Notons toutefois qu’aucun de ceux-ci ne connaissait l’édition de 1554. Par contre, le livre est complètement ignoré des plus anciens (C. Gesner, Op. cit. (1555 ET 1583), J. Verheiden, Op. cit. (1602 et 1725), M. Adam, Op. Cit. (1618), et Niceron, Mémoires, Paris, 1736).

    Or, plusieurs indices nous permettent de douter de l’existence d’une édition de 1544. Citons d’abord Viret lui-même :

    - 1548 Exp. fam. oraison, épître à la Ville de Lausanne, datée du 22 août 1547 (ff. a5v, 23 - a6r, 2) : « Et pourtant que [= Bien que] la matiere traitée en ces dialogues, depend aucunement [= en quelque manière], de celle qui [a6r] a esté traitée en ceux du Symbole» (Voir aussi 1551 Exp. fam. oraison, f. A5r, 6-10 ; puis 1558 Exp. de l’oraison, épître à la Ville de Lausanne du 22 août 1547, p. 9, 15-19, épître qui n’a malheureusement pas été mise à jour, p. 3, 6-13 , « Il y a environ trois ou quatre ans ... que je feis une exposition sur ... le Symbole des Apostres », référence à l’année 1544). En 1548, s’il mentionne l’exposition sur le symbole des Apôtres, par contre il ne mentionne pas l’exposition sur les dix commandements.

    - 1551 Du devoir , épître à la Ville d’Orbe, du 11 mai 1551, f. B8v, 9-15 : « Moy ayant déliberé d’escrire sur les commandemens de Dieu, comme j’ay desja escrit sur le symbole des Apostres, & l’Oraison dominicale, en forme d’exposition bien familiere ; j’ay bien voulu, avant d’entrer en telle matiere, traicter quelque chose des diverses opinions, & des raisons sur lesquelles les hommes s’abusent », puis (f. B8v, 21-23) : « Je vous ay bien voulu faire un present de ce traicté icy, & du reste qui s’ensuyvra par apres.» Cette phrase est précisée dans l’épître de 1561 Dialogues du combat, toujours du 11 mai 1551 (p. 38, 15-18) : « Du reste qui s’ensuyvra puis apres, contenant l’exposition de la Loy de Dieu» (Voir aussi 1556 Intruction, f. 4v, 34-36, variante : ``par apres``). En 1551, il ne semble donc pas avoir encore écrit notre livre.

    - L’épître de 1554 Exp. fam. dix, datée du 1er décembre 1553, sera en effet adressée à la Ville d’Orbe, et il rappelle (f. A2r, 7-22): « Il y a environ trois ans, que je demeure obligé à vous par ma promesse ... que je vous fi, quand je vous dediay les Dialogues, intitulez Du devoir & du besoin ... Lesquels Dialogues estoyent comme une preparation, à l’exposition de la Loy donnée de Dieu par Moyse son serviteur, laquelle j’avoye pour lors entre les mains ; de laquelle je vous fay derechef un present, pour satisfaire à ma dite promesse.» D’autre part en B8v, 13-20, il dit clairement que de cette trilogie, seuls ses écrits sur le symbole et l’oraison ont circulé dans les foyers, et que maintenant celui sur les dix commandements le pourra aussi.

    Finalement si l’on retrouve le titre de 1544 chez R.-D. Linder (The political Ideas of Pierre Viret, p. 187, Genève, 1964), c’est parce qu’il a fait confiance à Schnetzler et Barnaud, dont les exemplaires cités datent de 1554 et non de 1544 (``Notice``, p. 10, n° V).

    Par contre, il n’est pas impossible qu’il ait existé une exposition sur les dix commandements beaucoup plus brève. En effet l’Index de Louvain condamne en 1550 (n° 347), un ``petit livre de la loy de levangile, sans auctuer``, qui selon J. M. De Bujanda pourrait être de Viret (Index de l’Université de Louvain, p. 224, Genève, 1986).