La France (1561-1571)

Viret quitta Genève le 29 septembre 1561 pour un long voyage où, de ville en ville, il prêcha l’Évangile. Ses premières interventions majeures eurent lieu à Nîmes et Montpellier, où il remporta un grand succès tant auprès du peuple qu’auprès des notables.

Malheureusement, parallèlement à cette expansion du protestantisme en France, nous assistons à une augmentation des heurts avec les catholiques. Suite au massacre de 74 protestants à Vassy, le premier mars 1562, il y eut une généralisation de la violence. C’est ainsi que débutèrent les guerres de religion, dont Viret connut les trois premières. Des deux côtés furent commises des atrocités, toutefois, les protestants s’attaquèrent surtout aux églises et aux statues. C’est donc en pleine confusion que Viret poursuivit son ministère dans le Sud-ouest, et cela d’autant plus que les actes iconoclastes s’étaient multipliés dans cette région depuis près de deux ans, débouchant sur une véritable explosion de la violence.

Vers la fin du mois de mai 1562, se rendant à Lyon, Viret s’arrêta à Valence. La ville était entre les mains des troupes huguenotes de François de Beaumont, baron des Adrets, bien connu pour ses cruautés. Viret apprit qu’un jésuite nommé Emond Auger allait être sous peu exécuté pour idolâtrie. C’est alors que le Réformateur prit sa défense en les exhortant à l’amour et à la tolérance. S’il ne parvint pas à le faire libérer, il permit au moins à cet homme d’échapper à la mort.

Quand Viret arriva à Lyon, il trouva une ville ravagée par la première guerre de religion. C’est là que ses qualités humaines jouèrent un rôle déterminant. En effet, appuyant le successeur du baron des Adrets, Jean l’Archevêque de Parthenay, Sieur de Soubise, ils parvinrent à maîtriser les excès de l’armée et à rétablir un peu d’ordre.

Mis à part le tact dont il fit preuve au cours de cette période et son invitation constante à la tolérance, deux autres faits sont à relever :

Il fut nommé secrétaire et modérateur du quatrième synode national des Églises réformées, qui se tint à Lyon en août 1563. Le fait que ce synode fut une véritable assemblée disciplinaire, où l’on alla jusqu’à déposer 24 pasteurs, indique bien que si Viret se battait pour que l’on soit tolérant, il n’était pas moins convaincu de l’importance d’une discipline dans l’Église, tant au niveau du peuple des croyants qu’à celui de ses dirigeants.

L’exemple que montra Viret ne porta pas toujours le fruit escompté. En effet, Emond Auger, en guise de remerciements pour lui avoir obtenu la vie sauve à Valence, fut la cause majeure de son départ de Lyon. Accompagné par le Père Antonio Possevino (Antoine Possevin), à peine trois mois après avoir échappé à la mort grâce à Viret, il arriva à Lyon dans la perspective de rétablir le culte catholique dans la ville. Alors s’engagea une longue dispute tant verbale qu’écrite entre les deux partis. Mais finalement, Auger joua de son influence pour obtenir un édit royal, daté du 14 septembre 1563, proclamant l’expulsion de Viret de la ville et du Royaume, dans les huit jours.

Fuyant, Viret se rendit pour peu de temps à Orange, et finit ses jours sous la protection de Jeanne d’Albret, Reine de Navarre, à Pau en Béarn, comme sous-secrétaire d’État aux Cultes.

Il fut quatre ans de suite modérateur des synodes béarnais.

Il sera premier pasteur de l’important centre militaire protestant de Pau, durant la deuxième guerre de religion, du 13 octobre 1567 au 26 mars 1568. Durant la troisième, le 18 juillet 1569, il sera fait prisonnier et échappera à l’exécution grâce à son prestige. Viret mourra à Pau, probablement de fatigue, le 4 avril 1571.

Au terme de ces brefs rappels historiques, la lettre de Jeanne d’Albret aux Seigneurs de Genève, du 22 avril 1571, situe parfaitement ce que fut notre homme :


Magnifiques Seigneurs, entre les grandes pertes que j’ai faites durant et depuis les dernières guerres, je mets au premier lieu la perte de M. Viret, que Dieu a retiré à soi ; car outre que de soi il était si recommandable, il m’était davantage si nécessaire et si utile pour la conduite et le gouverne- ment de toutes les Églises de mes pays souverains, que, pour les contenir en ordre et repos.

 


Texte tiré de  D-A. Troilo, Pierre Viret et l’anabaptisme  éléments sous droits d’auteur.